En 2021, Gestion FÉRIQUE se dotait d’un plan carbone pour prémunir les Fonds FÉRIQUE face aux risques liés à la transition énergétique et, à la fois, contribuer à la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’objectif : atteindre la carboneutralité pour notre famille de fonds au plus tard en 2050, en lien avec l’Accord de Paris.
Un an plus tard, où en somme-nous dans l'atteinte de nos objectifs? Voici un résumé des premiers pas franchis, quelques repères clés pour suivre notre démarche et une esquisse du chemin qu’il nous reste à parcourir.
Déploiement en deux modes d'action
Devant l’ampleur et la complexité du défi, notre approche immédiate consiste à poser les fondations de notre plan qui nous permettront ensuite de faire évoluer notre action. Nous voulons le faire de manière pragmatique, de la même façon que nous avons toujours agi en matière d’investissement responsable. Le chemin que nous privilégions à ce stade-ci est en deux étapes.
Premièrement, pour les clients qui souhaitent dès maintenant être au-devant de la transition énergétique et y contribuer, nous cherchons à offrir des Fonds qui visent un plus faible niveau d’émissions carbone comme les Fonds FÉRIQUE Obligations mondiales de développement durable et Actions mondiales de développement durable. Au-delà des convictions et des valeurs, ces stratégies sont bien positionnées face aux changements structuraux qui s’opèrent actuellement dans le cadre de la transition énergétique mondiale.
Dans un deuxième temps, nous voulons travailler avec les gestionnaires et sous-gestionnaires de portefeuilles de l’ensemble de la famille des Fonds FÉRIQUE pour améliorer progressivement la résilience de nos stratégies face à cette même transition. Il y a à la fois des risques et des opportunités dans cette opération, et notre travail est d’embaucher ou de retenir des gestionnaires qui comprennent ces enjeux.
Au cours de la dernière année, nous avons donc mis en place un processus de suivi des émissions de nos portefeuilles. Celui-ci nous a permis d’amener nos gestionnaires à s’engager avec nous dans le projet de décarboner l’économie, en visant des réductions d’émissions au sein de tous les secteurs d’activités qui font l’objet de nos investissements.
Évaluation de l’empreinte carbone de nos fonds
Le cœur de ce processus est l’évaluation de l’empreinte carbone de notre famille de fonds. Nous avons ainsi mesuré l’évolution sur une base annuelle depuis 2019 ainsi qu’au 30 juin 2022, des émissions de GES de portées 1 et 2 par million de dollars investis (cette méthodologie largement utilisée dans l’industrie est présentée en détails plus loin dans le texte), pour les titres de participation de la famille de Fonds FÉRIQUE1 par rapport à des indices de référence2. Nous avons retenu l’année 2019 comme année de référence parce qu’elle représente la dernière année d’activité économique avant la pandémie et qu’elle est la référence utilisée par une majorité des gestionnaires de l’initiative Net Zero Asset Managers (NZAMI)3. À noter qu'à ce stade-ci, nous n'affichons pas l'empreinte carbone de nos placements obligataires, en raison de l’absence de consensus sur la méthodologie pour évaluer l’empreinte de cette catégorie d’actif, principalement pour ce qui est des obligations gouvernementales.
Notre dernier relevé, en date de juin 2022, montre que l’empreinte carbone de la portion titres de participation de la famille des Fonds FÉRIQUE était de 27 % inférieure à celle des indices de référence. Le niveau d’émissions du portefeuille, en effet, était de 63 tonnes par million de dollars investis, par rapport à 86 tonnes par million de dollars investis pour l’indice de référence. Pour donner une idée plus concrète en termes d’équivalents CO2, soulignons que chaque tonne représente environ 5 181 kilomètres4 parcourus en voiture.
Cet écart en faveur de la famille des Fonds FÉRIQUE s’expliquerait en bonne partie par notre approche d’investissement responsable, laquelle repose sur plusieurs piliers complémentaires : l’exercice des droits de vote par procuration, l’engagement actionnarial5, l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions de placement et, depuis décembre 2021, la création de fonds thématiques axés spécifiquement sur les enjeux du développement durable.
L’un de ces fonds en particulier, le Fonds FÉRIQUE Actions mondiales de développement durable, axé spécifiquement sur les opportunités et enjeux liés au développement durable, présente une empreinte carbone inférieure de 82 % à celle de son indice de référence (16 tonnes de CO2 par million de dollars investis versus 87 tonnes pour son indice au 30 juin 20226).
Mais au juste, comment ce type de calculs est effectué et que signifient précisément ces portées 1 et 2?
Suivez le guide.
Les méthodes utilisées pour catégoriser et évaluer les émissions de GES
Depuis le protocole de Kyoto, en 1998, différentes normes ont été mises de l’avant et ont fait l’objet d’améliorations constantes pour catégoriser et mesurer les GES émis par les entreprises. L’une de ces normes est le protocole des gaz à effet de serre (Greenhouse Gas Protocol7), proposé en 2001. Plus récemment, en 2017, le Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD)8 a établi des normes de divulgation d’information relative au risque climatique et à sa gestion par les entreprises, le tout assorti de mesures et d’objectifs carboniques.
De façon générale, les émissions de GES se répartissent en trois catégories :
- La Portée 1 est celle des émissions directes. Les émissions de GES portée 1 incluent toutes les émissions qui proviennent de sources détenues ou contrôlées par l’entreprise – par exemple, son processus de fabrication ou l’essence utilisée pour ses opérations.
- La Portée 2 est celle des émissions indirectes reliées à l’énergie. Les émissions de GES portée 2 incluent les émissions provenant de l’achat d’énergie pour permettre à l’entreprise de fonctionner, notamment l’électricité provenant du charbon ou d’autres sources.
- La Portée 3 est celle des autres émissions indirectes en aval ou en amont. Il s’agit du type d’émission le plus large, qui regroupe plusieurs éléments comme le transport des matériaux et les voyages d’affaires, mais aussi les GES générés par l’utilisation ou la consommation des produits fabriqués par la compagnie. Pensons par exemple aux fabricants d’automobiles ou de produits électroménagers.
Les émissions de GES la portée 4 sont actuellement à l’étude : celle des émissions évitées, qui couvrirait la réduction des émissions provenant de l’utilisation d’un produit. Par exemple, on peut présumer que la construction des éoliennes génère des GES (portée 1), mais que leur utilisation permet de diminuer la quantité des émissions (portée 4). Les émissions de GES de portée 4 font encore l’objet de débats et ne relèvent pas de normes standardisées.
Une illustration : Amazon
L’exemple d’Amazon permet de mieux comprendre les trois catégories d’émissions de GES (portées 1,2 et 3) faisant l’objet de mesures normalisées. En 2021, les sources d’émissions de l’entreprise se résumaient de la façon suivante.
Comme on peut le voir, les émissions totales de GES de l’entreprise, pour l’année 2021, se chiffraient à 71,54 millions de tonnes. Cela représente la somme des émissions GES des portées 1, 2 et 3. De ce total, les émissions GES de portée 1, celles des émissions directes, représentaient 16,9 %, et celles de portée 2, composée principalement d’achats d’électricité, 5,7 %. C’est cependant au niveau des émissions GES de portée 3 que l’empreinte carbone d’Amazon s’avère la plus lourde – plus de 75 % de l’ensemble des émissions. Celles-ci incluent notamment les serveurs, véhicules et entrepôts, les transports par des tierces parties, l’emballage et de nombreuses sources d’émissions en amont.
Comment est évaluée la quantité des émissions
Les émissions de GES de portées 1 et 2 sont les plus couramment mesurées par les entreprises et sont celles dont les données sont les plus accessibles. De plus en plus de compagnies, sous les pressions de différents groupes d’influence, rendent publique cette information selon les normes reconnues.
Cependant, puisque la divulgation est encore sur une base volontaire, la proportion des entreprises qui ne fournissent pas l’information demeure encore importante (60 % des titres des marchés mondiaux selon MSCI9). En outre, les émissions GES des portées 1 et 2 présentent un certain degré de chevauchement qui peut entraîner un comptage en double. Des méthodologies visant à résoudre ces problèmes sont cependant mises de l’avant, dont des estimations par l’entremise de comparables. Par exemple, à partir des niveaux d’émissions d’une entreprise connues d’un secteur, les fournisseurs de données pourront estimer celui d’autres entreprises du même secteur qui ne fournissent pas encore de mesures. Ils utiliseront entre autres le ratio des émissions de GES en fonction du niveau de revenu (ou « ratio d’intensité carbone ») de la première entreprise pour estimer celui des autres en utilisant leurs propres revenus.
Les émissions GES de portée 3 demeurent plus difficiles à mesurer en raison d’un manque de données encore plus grand – seulement 25 % des entreprises le divulguent10 – et, ici aussi, d’un certain chevauchement. Il est cependant d’une importance cruciale pour quantifier l’empreinte totale d’une entreprise : selon le Carbon Disclosure Project (CDP11), un organisme de normalisation sans but lucratif, pas moins de 75 % des émissions se situeraient au niveau des émissions de GES de portée 3. Pour l’heure, les fournisseurs de données évaluent ce dernier en utilisant des méthodologies qui varient selon chacun d’eux, notamment le ratio d’intensité carbone évoqué plus haut. L’exercice se raffine de plus en plus et, d’ici quelques années, une norme plus généralement acceptée devrait être en place . Face au manque de données et à la divergence entre les méthodologies d’estimation des émissions GES de portée 3, elles sont présentement exclues du calcul de l’empreinte carbone de la famille des Fonds FÉRIQUE. Toutefois, réduire les émissions GES de portées 1 et 2 contribue à réduire celles de portée 3 en raison du chevauchement.
Mais qu’en est-il d’un portefeuille de placements?
Plusieurs méthodes permettent d’évaluer et de comparer le niveau d’émissions d’un portefeuille par rapport à un autre selon l’objectif visé. Dans un contexte d’investissement, en l’occurrence avec un portefeuille de la famille des Fonds FÉRIQUE, la méthode présentée pour mesurer le niveau des émissions carbone est celle par millions investis. Cette mesure a l’avantage de facilement quantifier, comparer et de suivre dans le temps l’empreinte carbone du portefeuille d’un investisseur. Son désavantage est qu’elle est influencée par la performance des marchés boursiers : une baisse des marchés financiers, et donc des valorisations des entreprises, amène une hausse du ratio de l’empreinte carbone du portefeuille alors que les entreprises n’émettent pas significativement plus de CO2 – la baisse du dénominateur faisant augmenter le résultat du ratio. Une hausse des marchés, et donc des valeurs d’entreprises, provoque l’effet inverse . La comparaison avec un indice de référence permet de relativiser l’impact des fluctuations des marchés boursiers.
Pour déterminer le niveau d’émissions d’un portefeuille, nous additionnons les émissions de chaque entreprise multipliées par le pourcentage détenu de chacune d’elle, tel que montré dans le tableau suivant.
Valeur marchande (A) |
Capitalisation boursière totale (B) |
Pourcentage de détention (C=A/B) |
Émissions carbone de la société (D) |
Total des émissions carbone (C*D) |
|
ABC INC | 1M $ | 20M $ | 5 % | 8 000 t CO2e | 400 t CO2e |
XYZ CORP | 4M $ | 4M $ | 10 % | 2 000 t CO2e | 200 t CO2e |
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Source : Gestion FÉRIQUE |
Valeur marchande (A) |
Capitalisation boursière totale (B) |
Pourcentage de détention (C=A/B) |
Émissions carbone de la société (D) |
Total des émissions carbone (C*D) |
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ABC INC | 1M $ | 20M $ | 5 % | 8 000 t CO2e | 400 t CO2e |
XYZ CORP | 4M $ | 4M $ | 10 % | 2 000 t CO2e | 200 t CO2e |
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Source : Gestion FÉRIQUE |
Par la suite, nous divisons le total par la taille du portefeuille afin de permettre de comparer un portefeuille par rapport à un autre.
Émissions carbone du portefeuille (E) |
Valeur marchande du portefeuille (F) |
Émissions carbone du portefeuille par M$ investi (E/F) |
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Portefeuille A | 600 t CO2e | 5M $ | 120 t CO2e |
Portefeuille B | 6 000 t CO2e | 100M $ | 60 t CO2e |
Source : Gestion FÉRIQUE |
Des outils en évolution
L’utilisation de ces indicateurs en est à ses débuts, et il faut donc être prudent lorsqu’on les manipule. Par exemple, les émissions de GES varient beaucoup d’un marché boursier à l’autre, en fonction des répartitions sectorielles (imaginons le Canada, pays riche en ressources naturelles par rapport à un pays pauvre en ressources naturelles, la Belgique par exemple!). De même, comme il n’y a pas encore de consensus sur la façon de calculer les émissions de portée 3, celles-ci pourraient avoir une incidence considérable sur les indicateurs globaux lorsque des normes généralement acceptées seront en vigueur.
Soulignons enfin que Gestion FÉRIQUE ne se fixe pas une cible de réduction annuelle fixe. Nous estimons en effet que le niveau d’émissions du portefeuille peut fluctuer durant une année donnée sous le seul effet du poids sectoriel de certaines industries, qui peut varier selon l’évolution des cours boursiers. Par exemple, un secteur plus polluant comme celui de l’énergie a acquis un poids plus important en 2022. Pour nous, l’essentiel n’est pas de gérer ces fluctuations à court terme, mais plutôt la tendance à long terme, de même que nos objectifs intermédiaires de 2030 et nos objectifs finaux de 2050.
Le chemin à venir
Outre l’évaluation de l’empreinte carbone de notre portefeuille, l’année 2022 nous a permis d’avancer sur deux principaux fronts. Nous avons ajouté l’objectif de carboneutralité dans le prospectus et dans la politique d’investissement responsable12 des Fonds FÉRIQUE. Nous avons travaillé avec nos gestionnaires et sous-gestionnaires de portefeuilles pour que leurs stratégies d’investissement intègrent désormais deux éléments incontournables : d’abord, l’objectif de carboneutralité de Gestion FÉRIQUE et leur engagement à contribuer à son atteinte ; et ensuite, leur intention d’effectuer chaque année, auprès des compagnies en portefeuille, trois « engagements » reliés aux enjeux climatiques13. Un « engagement », dans ce contexte, désigne l’utilisation du pouvoir de détenteurs d’actifs pour inciter l’entreprise à adopter des pratiques plus soucieuses des enjeux ESG.
Au cours des deux prochaines années, nous comptons mettre de l’avant des objectifs intermédiaires avec nos gestionnaires externes, objectifs qui seront alignés sur notre propre objectif de réduction de GES, qui équivaut présentement à 45 à 50 %, d’ici 2030.
La prise en considération des enjeux ESG a toujours fait partie du processus d’évaluation des titres par nos gestionnaires d’actifs. Mais plus que jamais, nous utiliserons des leviers à notre disposition pour conjuguer l’atteinte de performances financières solides, une gestion éclairée des risques liés à la transition énergétique et un milieu de vie plus sain pour tous.